Ne pas crier, ne pas s’énerver, accueillir les émotions de Bout’chou sans froncer les sourcils ni même faire les gros yeux… Vous y arrivez vous ? Pourtant, vous aimeriez tant lui offrir le meilleur. Le meilleur parent possible, d’accord, mais le parent parfait, est-ce vraiment nécessaire ?
Le parent parfait n'existe pas
Vous avez beau essayé, l’éducation positive vous n’y arrivez pas. Comme beaucoup de parents vous aimeriez répondre parfaitement aux besoins de Bout’chou, mais c’est au dessus de vos forces. Il y a toujours un moment ou vos habitudes reprennent le dessus. Et tout ce tapage autour des effets du stress sur le cerveau ! Non vraiment, trop c’est trop !
Vous vous êtes reconnu ? Alors cet article est pour vous.
Le parent parfait est contre productif
Vous n’avez pas à devenir un parent parfait. Oui enfin, avec tout cet engouement autour de l’éducation positive et les attentes de plus en plus grandes de la société, on vous y incite plus ou moins, me direz-vous ? C’est vrai, mais vous savez quoi ? Les enfants n’ont absolument pas besoin d’un parent qui répondrait parfaitement à leurs besoins.
En effet, la psychanalyse explique que l’enfant construit sa conscience d’exister (son Moi) grâce à la satisfaction de l’ensemble de ses besoins. C’est bien la preuve que le parent doit jouer son rôle parfaitement, me direz-vous. Mais en fait non, car la structuration du Moi se fait aussi grâce aux difficultés rencontrées. Notamment lorsqu’un parent ne répond pas, ou de façon incorrecte, à un besoin. Ah oui ?!
Oui, oui. C’est Nicole Derboghossian, psychothérapeute, qui explique que quand cela se produit, Bout’chou ressent du déplaisir, auquel il va tenter de trouver une solution, pour retrouver du plaisir. Par exemple s’il a faim mais que la nourriture se fait attendre, Bout’chou va sucer ses doigts. Miracle : ça l’aide à patienter !
Et c’est ainsi que bébé prend conscience qu’il peut agir sur le monde. Car s’il agit sur lui, c’est bien parce qu’il existe. Et plus il agira sur le monde, plus il prendra conscience de son existence. Mais pas que. En agissant sur son environnement Bout’chou développe aussi sa confiance en lui et son intelligence.
Bref, le parent parfait est contre-productif. Et un kilo de culpabilité en moins, un 👍 !
Un parent suffisamment bon
On est bien d’accord, qui dit difficultés ne dit ni maltraitances, ni négligences, ni violences éducatives. D’ailleurs je rappelle qu’en France
« L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
Et que les Violences Éducatives Ordinaires (VEO) sont interdites depuis juillet 2019.
Donc, on est d’accord, les difficultés rencontrées par Bout’chou doivent être raisonnables, c’est à dire qu’elles ne doivent pas nuire à son intégrité physique et psychique, et dépassables par lui. Et pour y parvenir Bout’chou a besoin que ses parents :
- soient investis émotionnellement,
- répondent à l’ensemble de ses besoins (physiques et psychologiques),
- de façon régulière et durable.
Bref, Bout’chou a besoin de parents qui répondent juste, la plupart du temps, ce qui veut dire pas tout le temps et pas parfaitement non plus. C’est validé : les parents ont droit à l’erreur. Ouf 😅.
Un parent équilibriste
À bien y réfléchir, il semble logique que les erreurs des parents ne soient pas fatales à l’enfant. Dans le cas contraire nous serions tous à moitié conscients d’exister… Vous imaginez ?! Et si nos erreurs étaient fatales, nous n’aurions aucune marge d’erreur, donc nous devrions être parfaits. Or c’est impossible car rien dans la nature n’est parfait, tout est équilibre. Et comme les parents font partie de cette nature, c’est pareil pour eux aussi.
D’accord, les parents ont droit à l’erreur, mais nous sommes tout de même les modèles de nos enfants, me direz-vous. Oui et les modèles sont faits pour être imités. Pour ce faire ils doivent être accessibles. Mais vous le savez maintenant : la perfection n’étant pas naturelle, elle ne peut donc être humaine non plus, elle est donc inaccessible. Donc exit le modèle du parent parfait.
Bien-sûr les parents doivent répondre à l’ensemble des besoins de leur enfant. Mais gardons en tête que c’est la tendance générale de nos soins qui importe. Pas nos quelques faux pas inévitables.
Vouloir s’informer pour mieux répondre aux multiples besoins de nos Bout’choux, c’est normal et même nécessaire pour augmenter nos compétences parentales. Mais aucun parent n’a le devoir de devenir parfait. C’est sûr et certain. Adjugé 👩⚖️!
Parent parfait ou parent en construction ?
Les parents s’interrogent beaucoup sur leur capacité à être de bons parents. Par exemple nous sommes de plus en plus nombreux à nous informer sur les besoins affectifs de nos Bout’choux. Et c’est tant mieux car ces besoins étaient considérés comme secondaires jusqu’à récemment. Aujourd’hui nous savons qu’il n’en est rien. Bref, tout ça pour vous dire que beaucoup de parents ont à cœur d’en apprendre plus sur l’éducation. Et je ne sais pas vous, mais moi, ça me transporte 🤩 !
On apprend ce qu'on peut apprendre
Vouloir développer ses compétences parentales, quoi de plus normal ? Mais viser une éducation idéale peut vite devenir problématique. Car, je vais me répéter : un idéal est inatteignable. Il ne peut donc être un objectif à viser.
Sachez aussi que viser un idéal peut provoquer des effets négatifs, voire néfastes sur notre santé. Et oui, quand on se met trop la pression pour atteindre un inatteignable parent parfait 🤪, on prend le risque de s’épuiser. Et l’épuisement est le meilleur ami du burn-out parental… Même Lynette Scavo le dit, c’est pour dire 😂 !
Et n’oublions pas le possible retour de flamme. Je pense aux parents qui ne s’énervent jamais. Car à vouloir à tout prix rester calme en toutes circonstances, on risque le lâcher de barrage. N’est pas Dalaïmama/papa qui veut 🥺 !
Aussi, Rébecca Shankland, psychologue, attire notre attention sur un effet pervers : la réduction de nos capacités de changement, provoquée par une trop forte pression. Car plus on se met la pression pour changer, plus on stress. Et plus le stress augmente, plus nos capacité d’apprentissage se réduisent. Et comme nos capacités de changement dépendent de nos capacités d’apprentissage… La boucle est bouclée.
Je sais, ça a l’air pervers, mais en réalité, il n’en est rien. C’est comme si la nature nous empêchait de trop tirer sur la corde. C’est beau, j’suis émue😳.
Car mettre en place des comportements éducatifs dont nous-mêmes n’avons pas bénéficiés, cela demande beaucoup d’énergie. Et vous le savez peut-être ; l’objectif de notre corps, biologiquement parlant, est de ne pas gaspiller notre énergie 🧐. Ok donc on fait quoi ? On laisse tomber et on se contente de reproduire l’éducation de nos parents ? Mais non ! Il suffit d’y aller pro-gre-ssi-ve-ment. C’est la clé.
Apprendre ce que l’on est prêt à apprendre, ce que nous pouvons apprendre, en fonction de qui nous sommes et de là où nous en sommes. C’est ça que nous devons viser quand nous souhaitons augmenter nos compétences parentales. C’est vraiment essentiel et c’est ce qui fait la différence entre les parents qui parviennent à faire évoluer leurs pratiques éducatives et les autres. Les premiers se fixent des objectifs réalistes.
La capacité d'apprentissage
Essayez donc d’apprendre à résoudre une équation à double inconnue à votre Bout’chou de six ans. C’est parfaitement inadapté, vous en conviendrez. Car on ne peut pas apprendre tout et n’importe quoi, n’importe quand ou n’importe comment.
Avec la parentalité c’est la même chose. Beaucoup de parents d’aujourd’hui ont été éduqués de façon traditionnelle. Leurs habitudes éducatives sont donc plus ou moins éloignées de la parentalité positive. Avoir conscience de ce décalage entre nos compétences parentales actuelles et celles que nous visons est vraiment essentiel pour choisir le bon objectif, c’est à dire celui qui est à notre portée.
Attention, comprenons-nous bien. Je ne dis pas qu’un parent très éloigné des pratiques qu’il vise, ne pourrait atteindre qu’une pâle copie de l’objectif qu’il s’est fixé. Pas du tout. Car nos capacités d’apprentissage augmentent au fur et à mesure que nous apprenons. Et oui, plus nous apprenons, plus nous devenons performants et plus nous pouvons apprendre. Il est pas beau ce cercle vertueux ! Merci Dame nature 😍.
Et pour atteindre un objectif final, il est nécessaire d’atteindre des sous-objectifs intermédiaires, c’est à dire des objectifs réalistes, accessibles. Ni plus, ni moins. Désolée mais je vais encore me répéter, histoire de bien enfoncer le clou : vouloir devenir un parent parfait ne peut pas être un objectif, même final. Car la perfection étant un idéal, elle est inatteignable.
La zone proximale de développement
En fait depuis tout à l’heure je vous parle d’un concept très connu dans le monde de l’enseignement : la Zone Proximale de Développement (ZPD), théorisée par le pédagogue Vygotsky. Ça en jette hein ! Cette zone représente tout ce que vous pouvez apprendre avec l’aide de quelqu’un (avec l’aide d’un blog ça marche aussi 😉).
Et vous savez que vous avez atteint cette zone lorsque vos apprentissages ne sont ni trop faciles, ni trop difficiles. On est d’accord : viser le parent parfait serait un apprentissage trop difficile pour le commun des mortels.
L’apprentissage dépend de vos connaissances, compétences et savoirs déjà là. Ça a l’air bête comme chou dit comme ça, c’est même carrément évident, pensez-vous… Dans ce cas, pourquoi sommes-nous si nombreux à vouloir devenir des parents parfaits 🤭 ? Évident vous disiez… Mouais
Donc je disais que la ZPD représente votre capacité d’apprentissage. Connaître cette zone est très important car elle permet de viser les objectifs adaptés à notre potentiel d’apprentissage, à un moment précis.
Et ce qui est vraiment chouette avec cette ZPD, c’est qu’elle se déplace, elle avance, au fur et à mesure de nos apprentissages. C’est ce que je disais plus haut et c’est ce qui nous permet de viser des objectifs de plus en plus ambitieux. À condition de bien respecter les… sous-objectifs intermédiaires. Je sais, je me répète encore, mais c’est un truc pédagogique : pour retenir une information ou faire changer un comportement, il faut répéter et encore ré-pé-ter. Pus on répète et plus notre cerveau imprime en profondeur.
Pour des enfants ET des parents épanouis
Ben oui quoi ! Comment voulez-vous avoir des enfants épanouis si vous-même ne l’êtes pas ? CQFD ! Nan mais des fois, vraiment hein🤦…
Viser la lune pour tomber sur les étoiles... ou sur les choux
Quand ma fille est née je me suis mise à l’éducation positive, alors que je n’avais jamais entendu parler de cette ZPD, et de Vygotsky non plus. J’ai donc fait le grand saut sans aucune autre préoccupation que le bon développement de ma fille. Et il est arrivé ce qui devait arrivé : je me suis épuisée à m’efforcer d’être cette mère parfaite toujours patiente, à l’écoute, qui ne crie pas ni ne s’énerve. Enfin ça, c’était ce qu’on voyait de l’extérieur. Mais à l’intérieur, je peux vous dire que ça criait. Et quand on fait ça, forcément, on sur-consomme notre énergie et on s’épuise.
Et oui, vous avez beau être totalement séduit par une idée et hyper motivé, vos habitudes comportementales sont inscrites en vous. Les faire évoluer demande du temps. Contrairement à ce qu’on entend souvent, il ne suffit pas de vouloir, il faut aussi pouvoir. D’où l’intérêt de se fixer des objectifs réalistes.
Une chose est sûre, quand j’ai découvert l’existence de la ZPD, j’ai déculpabilisé. Vive la ZPD ! Sans elle je n’aurais peut-être toujours pas compris qu’aller trop loin, trop vite est vain, voire risqué. Tenir compte de sa ZPD est vraiment nécessaire pour atteindre des objectifs à la hauteur de ses moyens. Et quand on a compris ça, en général, on cesse de vouloir devenir un parent parfait.
Alors d’accord, une parentalité positive réaliste peut sembler moins attirante qu’une parentalité positive parfaite ou idéale, ça en jette moins, c’est sûr. Mais elle a le mérite d’être atteignable et est non violente aussi bien pour les enfants que pour les parents.
Non violence pour les enfants ET les parents
Comment ça non violente ? Ça coule de source la non violence et l’éducation positive, non ? Tout a fait. C’est ce qu’elle met en avant afin d’offrir les meilleurs conditions d’éducation pour favoriser le plein développement de Bout’chou. Mais il serait bon que la non violence s’adresse aussi aux parents.
Car si des attentes trop exigeantes envers les enfants sont considérées comme une violence, on est en droit de penser la même chose vis à vis des parents, non ? En effet, comment ne pas considérer qu’un modèle éducatif visant un idéal parental, ne soit pas ressenti comme une violence par les parents ? Surtout lorsqu’ils n’ont, eux-mêmes, pas bénéficié d’une éducation idéale… Attendre de parents éduqués à la fessée qu’ils ne crient plus, ne s’énervent plus, ne froncent plus les sourcils… ne sont-ce pas des attentes trop exigeantes envers eux ?
Et que penser d’une société aux attentes de plus en plus fortes et nombreuses, mais qui ne soutient pas, ou si peu, la parentalité ? Que dire aussi du fait que ces attentes visent plus les mères que les pères ? Que dire du burnout maternel ? Ne sommes-nous pas, nous les parents, les victimes d’une violence issue d’une volonté éducative non violente 🤔 ? N’est-il pas possible d’offrir un meilleur cadre de vie à nos enfants sans que les parents en souffrent ? L’enfer est pavé de bonnes intentions…
La parentalité positive réaliste
Bien-sûr cette violence engendrée est involontaire. Personne ne cherche à culpabiliser sciemment les parents, ni à faire preuve de violence envers eux. Mais nous autres les parents avons une propension naturelle à la culpabilité. Est-il nécessaire d’en rajouter ?
Bien-sûr les intentions sont bonnes : faire cesser les violences faites aux enfants et leur offrir la possibilité de se développer au mieux. Mais attendre des parents qu’ils offrent une éducation idéale à leurs enfants n’est pas réaliste et peut avoir des conséquences négatives. Et un parent au bout du rouleau à cause d’un sur-investissement éducatif, sur-investissement suggéré et attendu de la société, sans accompagnement de celle-ci qui plus est, n’est pas souhaitable voire contre-productif.
Certains me diront que la culpabilité est bonne car elle permet de se remettre en question. Et de ce fait, de faire évoluer nos comportements. C’est vrai, mais à une condition : que la culpabilité ne se transforme pas en honte. Car la honte, contrairement à la culpabilité, provoque un sentiment d’infériorité.
Et si ce sentiment est trop souvent ressenti, il se pourrait que nous perdions notre confiance en nos compétences parentales, voire notre estime de soi. Compétences sociales pourtant essentielles à un bon équilibre mental et si souvent mises en avant par l’éducation positive. J’ai l’impression qu’on tourne en rond, non ?
Viser une parentalité positive réaliste est, à mon avis, le seul moyen de faire évoluer nos comportements éducatifs et de faire taire le parent parfait qui sommeille en nous. À bon entendeur…
Ressources
- La psychologie positive, Rébecca Shankland, 3ème édition, Dunod, 2019
- Le développement psychologique de l’enfant, Nicole Derboghossian, 2ème édition, Dunot, 2017
- Burn-out parental : quand les parents craquent – Le Magazine de la santé
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